Dico Sans Queue ni Tête

D COMME DÉSORDRE

Désordre n’est pas, comme certains feignent de croire, le contraire d’ordre mais son complément d’objet indirect, l’orthographe le confirme.

Le mot est très utilisé, notamment dans les moments de crise. Son emploi devient surmultiplié et donne le vertige. Il faut l’aborder après réflexion, après l’avoir contemplé avec calme.

Le mien ne vous intéressant pas, je vais parler du vôtre. Il est manifestement intérieur. Le moment le renforce : que dois-je faire de tout cet argent que j’aurais pu avoir si j’avais été moins cigalou. Il m’aurait permis de racheter la Société Générale, General Motors et l’Islande pour l’euro symbolique.

Vous dites : « non, l’argent ne m’intéresse pas ». Désordre se réfère alors sans doute au foutoir qui règne dans votre appartement. Il vous paraît aimable car vous avez reconstitué celui de votre seule belle époque : l’adolescence. Parfait. Ne changez rien.

Votre désordre intérieur n’est pas amoureux ni une confusion des sentiments. En seriez vous atteint que je vous rassurerais : fréquente, banale, curable, personne n’y échappe un jour ou l’autre. Le temps fait tout à l’affaire. Ce n’est qu’un moment à passer et plus tard vous y auriez pensé avec un attendrissement portant au sourire, entre deux sanglots. C’est celle du quinquagénaire au prises avec une Lolita pulpeuse et démoniaque ou de l’institutrice mûrissante qui se décervelle pour un juvénile boutonneux. Quelques semaines d’affolement et vous repreniez le contrôle de vos sens.

Imaginons que votre désordre intérieur se soit calmé et vous laisse du temps libre. Vous le dépensez à parler, comme tout le monde du désordre extérieur : « Où est le pilote ? » « Qui contrôle la tour de contrôle ? » Personne ne vous répondra car nul ne le sait. Même les instances dites supérieures s’affolent. La situation me rappelle l’état de ma basse cour après une visite nocturne de maître goupil, un redoutable prédateur : tueur pour le plaisir, voleur par profession. Toutes les poules y ont laissé des plumes, même les survivantes.

Je ne veux pas vous affoler mais ne laissez pas le désordre prendre la direction des vos opérations internes et externes. Ne sachant pas où il va, il pourrait vous mener n’importe où.

On pourrait croire que le désordre est infâme et qu’il doit être banni. En fait, c’est le contraire c’est la chose la plus naturelle du monde : de lui est née la vie. Réfléchissons : si chaque chose avait été, dès le début, rangée à sa place avec l’ordre de ne pas bouger, la terre serait triste et vide avec quelques amibes pour tenir compagnie à des microbes n’ayant personne à mordre.

Le désordre est nécessaire, il donne la liberté de dire et de faire. Rien n’est plus sinistre qu’un régiment qui défile au pas cadencé ou une procession de moines allant à confesse. Méfiez-vous donc de ceux qui ne supportent pas le désordre : les pointilleux, les méticuleux, les obsédés du rangement, de la ligne droite. Ils le sont aussi du code pénal, du politiquement correct, du Dico Sans Queue ni Tête, des vacances organisées et détestent la Foire du Trône, les touche-à-tout, les bons à rien. Le désordre est génétique et il n’y a que la fraction inhumaine de la société qui veut son éradication et que l’ordre règne.

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17/04/2013
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