Dico Sans Queue ni Tête

I COMME INCOMPARABLE

I est une sacrée lettre, la seule à se tenir debout. Pour se démarquer, elle n’hésite pas à se mettre un point où vous savez.

Voyelle entre toutes, I est incomparable, pas seulement par sa forme épurée, très class toute en étant design, mais par toutes les qualités que n’ont pas les pauvres autres.

Je ne vais pas transformer l’alphabet en palmarès mais, pour vous donner une idée de sa supériorité – au cas où vous seriez un anti-i – je vais m’y appliquer un instant.

-       « a » est tout fier d’être le premier de la classe. Mais à quel prix. Que de compromissions pour occuper le double de pages dans le petit Robert. Tant de mot tristes à dire, à écrire : abaisser, accabler, achever, abattre, abêtir, abasourdir, accident, adieu, altérer, amertume, affront, avide, avilir. J’arrête car je n’en peux plus.

-       «  b » suit le a et ne l’améliore pas. Son son est à sa mesure avec un bêlement du plus mauvais effet. Il abêtit, abaisse, abat, abolit, abrutit. Il abuse de sa position. Elle est usurpée, je l’abandonne.

-       « c » a la troisième place du podium, cet « o » mal formé ne mérite pas son succès. Consonne très utilisée, c ne grandit pas la langue française. Se faire traiter de c… même grand, même beau et même petit et pauvre, ça marque pour une vie, fait perdre un ami, peut conduire au duel, au suicide.

-       « d » est une lettre hasardeuse. Elle fréquente les comptoirs, occupe le temps des ivrognes tabagiques qui n’ont que ça à faire entre deux brèves, un pastis, un pousse-café en attendant le tiercé après le quinté plus.

-       « e » : seulement un petit mot pour lui. C’est le chouchou des voyelles, le mieux traité. Il se faufile partout. Opportuniste, servile, terne, incolore, inodore, « e » est souvent muet. Pour retrouver un peu d’éclat il se coiffe d’un accent grave ou aigu. Il ne craint pas le ridicule avec ce sombrero en forme de toit circonflexe, façon pagode.

-       Je sauterai au « o ». C’est un gros balourd, toujours stupéfait. J’ai essayé d’en parler mais il m’a échappé pour rouler sous la table. Heureusement un homonyme plus distingué était disponible (voir O comme EAU).

-       Je terminerai sur « u ». Son parti est minuscule (11 pages). Souvent en mauvaise compagnie, il forme des syllabes malsonnantes que je préfère éviter pour ne pas choquer.

La digression est terminée. « I » mérite sa vraie place, la première, parce qu’il donne à tous ses mots légèreté et gaîté. C’est dans sa nature, il est né pour rendre optimiste, joyeux, rieur. Regardez-vous en faisait i-i. Les commissures se relèvent, les lèvres s’entrouvrant, la bouche prend une forme à concavité supérieure, les zygomatiques s’apprêtent à l’action et vous à sourire, voire à rire. Médicament miracle, il dilate la rate, combat l’acidité, efface les idées noires, favorise la digestion, fait baisser la tension en supprimant le stress. Enfin, cerise sur le gâteau, il fait baisser le cholestérol et repousser les cheveux.

Avec un ou plusieurs, la phrase devient plaisante à dire, à entendre. L’ambiance s’apaise. Imbécile, idiot deviennent des mots doux (à comparer avec con, sot, emmerdeur, bâtard, paltoquet, etc., des pauvres types à déclarer la guerre).

Son double grec prouve qu’il est accueillant, hospitalier, aimable à l’étranger, prêt au mariage mixte. Intelligent, il avait tôt compris que pour passer du bas français à celui des lumières, il fallait se métisser et accepter l’immigré.

I rend hilare le colérique, intarissable le conteur, idéale l’aimée, idyllique le paysage, irrésistible Don Juan, illusoire l’illusion, imprudent l’impudent.

J’en ai fini avec le “i”. Merci au mistrigi et i, i, i, hourra !

__________



02/08/2013
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour