Dico Sans Queue ni Tête

I COMME INTRODUCTION

PROLOGUE

Hier matin, panne d’allumette, impossible d’allumer le feu de cheminée, je saute dans mes sabots et m’élance sur le sentier de grande randonnée qui traverse mon potager pour gagner le buraliste le plus proche.

Arrivé au premier feu rouge, je stoppe mon élan. Un quidam qui avait eu la même idée que moi, mais en sens inverse, m’interpelle de l’autre côté du routin : « Jeune vieillard, votre dico à la diable commence à m’énerver ; où est la queue ? où est la tête ? j’en perds mon français ! ».

Flatté d’être reconnu par un inconnu mais sans répondre car pressé d’être arrivé, je reprenais ma quête de l’allumette perdue. Au fil du chemin, je méditais sur le désarroi du croisé du feu rouge, il m’obligeait à répondre et à donner enfin l’introduction tant attendue.

Mon dictionnaire serait pour un routard peu éclairé un foutoir, un fatras, un bazar, enfin un objet bizarre. Cartésien par rationalité, je vais vous démontrer, monsieur le dénigreur, que le désordre peut être l’ami de l’ordre. Mon dico est une interprétation subjective des mots qui m’intéressent en ce moment. A coté de leur sens commun, il y a ce que chacun y met au gré des rencontres, des conversations, de l’usage, vous conviendrez qu’un mot peut en dire plus ou moins. Cela vous expliquera que mon mot n’est pas celui de monsieur Larousse. Mais l’accusation porte sur son ordre. Réfléchissez, du premier au réveil, au dernier avant de s’endormir aucun ne respecte l’ordre alphabétique. Ils s’enchaînent au gré de la parole, de la plume, des pensées dans la discipline qu’impose la grammaire. Chaque phrase dépend de la précédente et annonce la suivante. Il y a une continuité sans faille dans votre bavardage nourri de ce que vous savez, de ce qui vous intéresse, de ce qui vous interroge, vous inquiète et de tout ce que vous voulez transmettre. Vous suivez ce chemin rempli de mots et même quand ils vous mènent de Charybde en Scylla, ils dépendent l’un de l’autre. Ce discours permanent ne doit rien au libre arbitre, ce mensonge curieux qui veut faire croire que nous sommes libres de penser, de dire, de faire selon un bon plaisir. Vous comprenez maintenant que mon ordre est celui de ma vie et que je n’ai pas le choix. En d’autres temps, en d’autres lieux, il aurait été différent et c’est pourquoi il n’est pas le vôtre. Mes mots et la façon qu’ils ont de se succéder est tout sauf innocent. Je me rends compte même qu’ils forment une boucle où chacun annonce l’autre, avec, de temps en temps, un trou normand, une fantaisie, un aparté pour détendre l’atmosphère, distraire, surprendre, choquer. C.Q.F.D.

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15/07/2013
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