O COMME OH PARDON !
O est le protée des lettres puisque c’est aussi un chiffre et le plus mystérieux. Avec lui on passe du néant à l’infini, question de nombre…
Peu versé en maths, je préfère la lettre.
Bien tournée, rondelette, close sur elle, elle peut se faire toute petite et presque disparaître dans le point sans virgule. Elle s’élargit du centre à la circonférence pour devenir considérable si on en connaît un rayon. Elle peut se tendre vers l’infini qui serait courbe, elliptique donc, presque circulaire et finit par se rejoindre en un lieu tenu secret. L’O ovalaire est, bien sûr, majuscule.
O n’est pas que géométrie dans l’espace, c’est aussi la magie de Médrano, la beauté de Gavarnie, le cercle des poètes trop tôt disparus.
O dit beaucoup avec peu de dépense. Il est exclamatif, admiratif et si poli : « Oh ! Pardon ! » Il sait rendre désirable la ville la plus redoutable et « Ô Calcutta » donne envie d’y aller.
O est la lettre artiste. Elle permet l’art équestre au cirque, couvre les coupoles, se met en or, en diamant autour du cou, en bracelet au poignet. Que serait la musique sans Do et Sol : pas de Mozart. Imaginez aussi la Comédie Française avec un Cid où, à la scène V de l’acte I, le père de Chimène s’exclamerait, le pauvre : « Rage, désespoir, vieillesse ennemie ! etc. ». Corneille serait-il devenu le Grand et la Comédie Française ce qu’elle est restée si Ô en triplette n’était pas venu apporter l’envolée lyrique, l’appel aux dieux qui convenait au déchirement du père insulté et préparer le drame à venir. Gageons que sans le secours de O, la pièce aurait été confinée à l’anonymat du théâtre amateur.
La science mais aussi l’industrie High Tech doivent tout au binaire dont 0 est le primaire. Sans lui nous serions encore au boulier et on peine à imaginer l’état de l’arithmétique.
Sans O, si facile à dire, à lire, à écrire, la langue française aurait eu du mal à tenir son rang et le numérique qui la fait oublier à le lui prendre.
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