Dico Sans Queue ni Tête

R COMME RELIGION

Religion : organisation dont les dirigeants pontifient et se prélassent devant leurs fidèles prosternés. Ils ont acquis leur audience en faisant croire les contes merveilleux que racontent les grands-mères depuis toujours, au coin du feu, sous le ciel étoilé d’Orient, le soir, quand la caravane s’endort, à leurs petits enfants ébahis.

Prix Nobel autoproclamés des sciences divinatoires, les grands prêtres de toutes les religions vendent le même produit d’appel, irrésistible. Bien que les plus jeunes n’y soient jamais allés, que les plus vieux n’en soient jamais revenus, ils savent tout, tout sur ce qu’il advient à l’âme défunte. L’après-mort leur est familière et ils connaissent la manière d’entrer au paradis, d’y retrouver les célébrités dont ils avaient beaucoup entendu parler. Ils peuvent décrire l’état des lieux, les loisirs disponibles, la façon de s’occuper, la durée du séjour, etc. Sur terre, éclairés par des certitudes et des révélations dignes de foi, ils sermonnent, confessent, absolvent, distinguent le vrai du faux avec une infaillibilité qui supporte mal la contestation de l’incroyant, de l’infidèle. La sanction, chez certains, est rude.

Pendant des siècles, en Occident, l’industrie a été florissante. Très diversifiée, elle s’occupait de tout : éducation, santé, justice. Même le bâtiment était sous sa férule et la construction des sièges sociaux, des lieux de culte, des résidences plus ou moins forcées occupait beaucoup de monde. Elle devait son succès à sa situation monopolistique. Depuis la conversion de Constantin (323), elle avait réussi à se faire nationaliser et, devenue catholique, donc universelle, elle avait éliminé, de gré ou de force, la concurrence. Par la grâce de l’Ordre Monarchique, cette religion resta en état de grâce, dans notre pays, jusqu’à la Révolution de 1789. Les abolitions en tout genre qui se succédèrent s’attaquèrent au monopole. Sa dénonciation fut une dénationalisation et ouvrit le marché à la concurrence. Récemment de nouvelles églises se mirent en place. Dynamiques, avec un marketing performant, elles vendent le même produit mais avec un habillage plus tendance : sermons moins cérémonieux, cérémonies moins empesées et renouvellement du discours : moins axé sur l’enfer, le purgatoire, la faute, le châtiment, le pêché, le repentir, la pénitence mais plutôt sur les plaisirs du paradis, les joies de la foi, la résolution de tous les problèmes quotidiens par des réponses bibliques simples et concrètes, sans prise de tête. Le succès fut immédiat. Cette relecture de la bible et du nouveau testament procure un optimisme, une exaltation contre laquelle l’ancien modèle cramponné à une théologie de la désespérance et de la punition était bien incapable de lutter. Le résultat ne se fit pas attendre : les troupes s’effritent, les officiers désertent ou meurent dans des combats d’arrière-garde et les églises ferment. Il n’y a que le Grand Prêtre qui continue à psalmodier urbi et orbi son refrain de toujours que ne comprennent plus ceux qui, ayant tant de mal à vivre, n’ont pas du tout envie de survivre.

La dialectique de ces religions ne change pas. A ceux qui parlent de publicité mensongère, de sélection arbitraire des documents de base, qui demandent des preuves, des témoignages fiables, la réponse est toujours la même : on montre les ex-voto, les guérisons miraculeuses, les morts qui ressuscitent et les apparitions dans l’Église catholique. C’est l’arme de destruction massive tirée sur le sceptique, l’incrédule. Elles doivent être distinguées des hallucinations. Bien connues des psychiatres, cédant aux neuroleptiques, affichant des expressions auditives, visuelles et même sensitives, elles atteignent des esprits perturbés par des psychoses diverses. Elles conduisent parfois à des passages à l’acte dangereux ou à des extases qui font parler de délires mystiques. Les apparitions sont des phénomènes d’une autre nature et d’une toute autre envergure. Leur origine et leur signification quand elles sont appréciées à leur juste valeur par l’autorité ecclésiastique ne peuvent être que célestes. L’église, qui en a beaucoup profité et à des moments providentiels, sait faire la différence et ne reconnaît l’apparition qu’après avoir éliminé l’hallucination et la simulation par une enquête dont la qualité ne prête à aucune contestation. Pour la première, un traitement neuroleptique d’épreuve est instauré sous la responsabilité d’un comité d’experts indépendants ; avant la découverte du Largactyl, l’eau bénite, préparée dans les règles de l’art, avait les mêmes vertus. Pour écarter le simulateur, des épreuves adaptées de celles que l’inquisition préconisait auraient été usitées. Je donne l’information au conditionnel car les autorités compétentes tardent à répondre à mon interrogation pourtant fort distinguée dans sa conclusion. D’autres églises, ayant les mêmes fondamentaux mais arrivées un peu plus tard à maturité se sont installées sous d’autres cieux. Le produit est identique, avec les variations dues aux conditions locales. La principale a suivi la même évolution. Elle a conquis l’état, fait la loi, banni la concurrence. Faute de philosophes éclairés, il n'y a pas eu de révolution. Ils n’en finissent pas de combattre l’infidèle, de pourchasser le renégat.

Sans doute, sans remord, sans pitié, croyant l’incroyable, ils veulent changer le monde à l’image qu’ils s’en font. Comme partout, comme toujours les religieux, ces êtres si bons, si doux, si fraternels, si charitables, si spirituels, à peine charnels, en transit vivent, adultes, leurs rêves enfantins. Ils en sont prisonniers, pris au charme d’un fantastique qu’ils croient possible, victimes heureuses d’une utopie qui les guérit du mal de vivre.

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04/04/2013
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