Dico Sans Queue ni Tête

R.G. COMME REPAS DE GALA

«Cher ami, dommage que vous n'ayez pas pu venir dîner avec nous, mais vous n'étiez pas libre et je ne vous avais pas invité. Je fêtais, avec quelques amis, un anniversaire qui tombait ce jour-là.

Pour nous mette en train, un apéritif s'imposait. Je proposais mon élixir favori, un générique du Picon, mais amélioré, à base d'un alcool que je distille après une double fermentation d'un mélange de racines de pissenlits sauvages que je sucre, pour diminuer l'amertume, avec de la betterave  rouge de Russie.

L'appétit ouvert en grand par ce nectar dont vous m'en auriez dit tant, on put commencer les agapes par une soupe vichyssoise améliorée à partir de la recette que le cuisinier de l'hôtel du Parc, à Vichy, mijotait pour le Maréchal. Je fais revenir dans un consommé de crêtes de coq et de pattes de poule des fanes de poireaux cuits à feux doux préalablement, dans de l'huile de pépins de poire; j'ajoute des morceaux ciselés de topinambours et laisse cuire environ 25 minutes, cela dépend de la coriacité des topinambours - vous pouvez les remplacer par des rutabagas Je retire du feu, mélange avec de la crème de lait tourné. Je l'ai servie glacée, pour ne pas risquer un froid et chaud, le chauffage de la maison étant en panne depuis la semaine dernière et le chauffagiste en vacances de neige. Je sers ce genre de potage dans des assiettes à dessert pour que les convives gardent l'envie d'aborder le plat de résistance.

Il était à base de gibiers d'eau, et ce fut une surprise pour les invités peu habitués à déguster de tels bestioles. Je leur présentais un civet de ragondin fourré d'une farce de rat musqué faisandé. Je désosse, réserve la fourrure pour offrir une pelisse de mi-saison à madame (une surprise) et fais cuire au court-bouillon les abats bien relevé, mais pas trop ,pour ne pas masquer le goût sauvage de la viande du rat musqué qui gagne à être connu. J'en farcis le ragondin et fais cuire, à la broche deux heures en arrosant régulièrement avec la sauce, le meilleur de la recette, selon les connaisseurs.

Ill ne resta du ragondin que la queue et la tête. Nous passâmes directement au dessert, personne n'ayant voulu de mon fromage de tête à base de cervelle fermenté de mouton.

Tout le monde attendait avec impatience le moment du dessert. Pour l'occasion, je m'étais surpassé pour ne pas décevoir et rester à la hauteur d'une réputation non usurpée, jugez-en.

J'ai une vision personnelle du Succès, gâteau emblématique de la pâtisserie française, la meilleure du monde. Je prélève des œufs de fourmis sur une fourmilière hyperactive; je réduis en bouillie (il n'y pas de jaune), je monte en neige tres ferme. Je sucre avec de la betterave râpée et je fais cuire à feu doux dans la cendre du feu de cheminée qui avait été maitrisé sans difficulté avec l'aide des pompiers du canton. Pour la pâte macaronée, j'utilise les amandes des noyaux de prunes mirobolantes après en avoir neutralisé le cyanure que je conserve pour un emploi futur. Je dilue la poudre d'amande avec une farine de coquilles d'huître et de sciure de bois de bois d'érable naturellement sucré avec la quantité nécessaire de graisse récupérée sur le ragondin qui décidément aura eu une fin bien employée. Je dresse le gâteau en alternant une  couche de macaron, une couche de meringue et une couche de crème au beurre que je fais à la dernière minute car très périssable . Je reste classique et remplace seulement le beurre par du Gervita dont j'ai toujours un pot en réserve. Mon effort terminal fut salué par un silence qui en disait long sur la satisfaction générale.

Je ne proposais qu'un seul vin  pour accompagner un repas aussi dense et j'avais sorti de sa réserve une bouteille de mon cru personnel. Je cultive quelques arpents de vigne au fond de mon potager, un cépage oublié; Je le travaille à la main, en culture raisonnée, le rendement est symbolique: 3 litres à l'are

. Je vinifie moi-même comme j'ai appris au Château Picratus: cueillette à la main droite, foulure au pied; première fermentation alcoolo-tabagique sous vide, deuxième maalo-lactique à l'air libre, deux ans à vieillir dans des cubitainers à usage unique. Vin d'exception avec du corps, de la tenue, de l'élégance, de la souplesse, et toutes les saveurs des confitures de tante Marie. Le levage de coude est suivi d'un instant de méditation de la part des amateurs.

Voila, cher ami ce que vous avez manqué. Je le regrette pour vous car il y a  des expériences qui marquent. Mes convives  n'en sont pas encore revenus et j'attends de leurs nouvelles.»



26/04/2015
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