Dico Sans Queue ni Tête

C COMME CHIEN ET CHAT

Le chat et le chien sont, comme l’homme, des animaux à sang chaud, avec la tête dans le prolongement des épaules. Avec un degré de plus que lui, le chat et le chien ont une chaleur animale plus relevée que la chaleur humaine pourtant vantée dans les réunions de famille, électorales ou syndicales.

Ce n’est pas la moindre de leurs supériorités car fidèles, sincères, généreux, aimants, aimables, sans rancune, le chat, le chien connaissent leur territoire, s’en contentent et vivent en paix, content de ce qu’ils sont, de ce qu’ils ont.

Même quand ils vieillissent, ils ne radotent pas, ne s’avachissent pas, ne se disloquent pas, ils gardent une belle allure, le port reste noble, l’allure est fière, l’œil vigilant, l’oreille est aux aguets, les vibrisses frémissent, la queue fouette le vent. Leur peau ne se flétrit pas, ne se crevasse pas, ne se plisse pas enveloppant plus mal que bien un corps obèse, obscène, déplumé, dégarni, avançant cahin-caha, en gémissant, en pleurnichant, se lamentant du temps qui a passé trop vite, à ne rien faire sauf à gémir, à pleurnicher, se lamenter.

Leur fourrure, au chat, au chien, n’est pas volée. Elle est à eux, belle à voir et bonne à toucher. Elle tient au chaud l’hiver et au frais l’été. Elle s’adapte, s’épaissit, s’allège quand il le faut. Ils n’ont pas besoin de filer la laine, de tisser le coton, de Dupont de Nemours, des chasseurs de phoques, des écorcheurs de renards, des équarrisseurs de visons, des tanneurs de peaux. Ils vivent au jour le jour, confiants dans leurs maîtres s’ils sont bons, se débrouillant s’ils sont mauvais. Armées de crocs puissants, de dents pointues, leurs mâchoires à tout faire réduisent le cru, le cuit, le tendre, le dur en bon à manger. Si la croquette n’arrive pas, une souris, une volaille, qu’importe le poil ou la plume, feront l’affaire.

Ils n’ont peut-être pas la mémoire des chiffres et des lettres mais ils ont celle du cœur et n’ont rien oublié des us et coutumes qui règlent l’éducation. Elle est, chez eux, la priorité absolue. Ils ne la délèguent à personne et nul besoin d’écoles, de tribunaux et de prisons pour enfants, de maisons de correction. Pourquoi et comment ? Vous voulez le savoir ?

Les chats, les chiens ne font pas des chatons, des chiots pour le plaisir : celui de pouponner, de faire guili-guili, pour un sourire béat noyé dans la salive, pour des areu areu, pour les allocs, les impôts, pour le bon Dieu, la défense de la patrie et la transmission du patronyme, du patrimoine. Ils enfantent, et à bonne cadence si on les laissait faire, pour obéir à un ordre : il faut occuper la niche, celle qu’on a dans l’évolution, maintenir une présence, préserver le passé, préparer l’avenir, « Demain, les chiens », peut-être aussi les chats. La relève doit être prête, à la mesure, à la hauteur. Le cas est possible et plus on y va, probable.

L’éducation féline, canine n’est pas un problème à réformer tous les 6 mois. Il a été résolu depuis longtemps. La mère, logique avec elle-même, ne pense qu’à ça, ne s’affaire qu’à ça durant les quelques semaines qui font passer le chiot, le chaton de la première à la seconde enfance. Chez eux, le transit est en accéléré et pas une minute n’est à perdre. Le programme est inflexible et invariable. Elle enseigne la propreté, la discipline, l’obéissance qui fonde le respect. Déroger à la règle serait compromettre la survie de l’espèce. Il n’y a pas de délégation de pouvoir, pas de sous-traitance du devoir. Malheur aux orphelins de naissance. On ne confie pas, chez ces gens là, monsieur, le nouveau-né à des nourrices agréées et débordées, à des maternelles encombrées, à des jardins d’enfants surchargés, des centres aérés clôturés, à des jolies colonies de vacances, à des écoles primaires, secondaires, tertiaires. Pas d’armées de mercenaires, de supplétifs, d’éducateurs, d’instituteurs, de bonnes d’enfants, de gouvernantes, de moniteurs, de professeurs, tous plus ou moins irresponsables, incompétents, indifférents, débordés, surmenés, en congés maladie, maternité, payés, en grève.

Aucun n’est capable, n’a l’envie ni le temps de s’intéresser à chacun, de le nourrir, le réchauffer, le nettoyer, le consoler, le punir, le récompenser, jouer avec lui, lui apprendre le respect, l’obéissance, la discipline, la propreté, le langage des gestes et des signes, l’art de la chasse, de l’affût, de la mise à mort.

En quelques semaines, la chienne, la chatte font de leurs chiots, de leurs chatons, des petits chiens, des petits chats qui savent manger, se nettoyer, se tenir face aux autres, à leur place. La mère s’est donnée beaucoup de mal et abandonne ses petits l’esprit tranquille. Elle peut aller se reposer avant le prochain recommencement. Ils savent tout ce qu’ils devaient savoir pour ne pas faire honte à l’espèce et ils sauront transmettre ce qu’ils ont appris, le temps venu. Ce qu’il advient ensuite, c’est à la chance et au hasard d’en décider. Leur sort dépend du maître et de la maîtresse qui les auront choisis pour compagnons de route. Le plus souvent, j’espère, ils auront une belle vie, pleine de caresses, de tendresse, de chaleur, de douceurs, de croquettes.

Parfois, ils tombent sur des salauds pour qui le chat, le chien est un jouet qui lasse et puis fâche car il fait tout ce qui gêne : miaule, aboie, mange, salit, griffe, détruit. On s’en débarrasse. On le perd dans la rue, on le jette par la portière, sur la route, dans la forêt et le chat, le chien, se retrouve seul, abandonné, effrayé, désespéré. Ce n’est pas si grave, disent-ils : un chien, un chat, ce n’est pas comme nous, une créature de Dieu. Ça n’a pas d’âme, ça ne croit pas, ça ne vote pas. C’est une boule de poils, bourrée d’instinct, montée sur pattes et qui ne pense à rien.

D’autres sont des monstres d’un autre calibre. Ils achètent le chien pour en faire un autre eux-mêmes, le rendent asocial, aboyeur, mordeur, peureux, méchant, dangereux. Ils en font le fauve qu’ils se sentent être. Leur bonheur est dans la peur qu’ils voient quand ils approchent avec le chien qui leur ressemble, plein de haine et de fureur d’être devenu ce qu’il est par la faute de ce maître trop lâche pour se montrer tel qu’il est.

La condition féline, canine est le reflet paradoxal de la condition humaine car si le chat, le chien a beaucoup appris au contact de l’homme, lui n’a rien appris du voisinage, de ceux qui sont :

-       trop intelligents pour succomber à la bêtise ;

-       trop occupés à vivre pour croire nécessaire de survivre ;

-       trop fiers pour être orgueilleux ;

-       disant tellement par les yeux, les oreilles, le museau, la queue, le poil, la langue, les grognements, les ronronnements, les gémissements, les aboiements, les miaulements, les hurlements, les grattements, leur joie, leur peur, leur douleur, leur désespoir, leur abandon.

Il faut être dénaturé, aveugle, sourd et stupide pour ne pas voir dans le chat, le chien, mais aussi l’éléphant, le cheval, le lion, le tigre, la souris, le rat, la baleine et tous les autres qui peuplent le ciel, la terre, la mer, des êtres aussi dignes que nous d’y habiter et d’y vivre. Ils le font, quoique confondus dans la nôtre, dans une autre dimension, à une autre échelle, avec un temps, un rythme, une histoire, un langage que nous méprisons comme tous les ignorants méprisent ce qu’ils ne connaissent pas. Le chat, le chien sont les plus complices, les plus proches de nous et nos deux mondes se confondent presque. Pour eux, c’est un amour fusionnel, sans restriction, sans limitation. Pour l’homme ce n’est - et depuis toujours -  que calcul, intérêt, avec une affection sous condition et remise en question. 

__________



21/04/2013
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour