Dico Sans Queue ni Tête

P COMME PEUR, 2ÈME ÉPISODE (SUITE)

La peur est, pour le tout venant, heureusement anecdotique. Il se fait une belle peur qui lui donne des sueurs froides de temps en temps. Dans les entre-deux, il n’y pense plus ou se contente de faire peur s’il est un tantinet méchant. Vous ne l’êtes pas et reposez en paix comme vous l’êtes en attendant de pied ferme, la prochaine dès qu’elle sera en ordre de marche. Je le dis en mémoire d’Attila, un grand spécialiste qui aimait y faire. Il entraînait ses cavaliers à être bien en selle avant de les lancer dans des invasions barbares qui semaient une peur à l’échelle de la terreur dans toute la contrée quand ils la traversaient au grand galop de leurs petits chevaux. Sa dernière expédition lointaine fut pour lui la dernière grande peur qu’il mit à son palmarès et le reste du monde retrouva une joie de vivre sans craindre le massacre au petit matin blême. Ils purent se consacrer à frémir en pensant aux joyeusetés d’une éternité passée dans la fournaise d’un enfer livré aux exactions d’une clique satanique à longue queue, au regard ardent et aux fourches caudines dont ils faisaient un usage intensif particulièrement douloureux sur une brûlure au 3ème degré. Mais cette peur était sanctifiée par la promesse d’un paradis avec air conditionné, immunité totale. Elle remplissait les offices religieux d’une foule compacte qui luttait ainsi, au coude à coude, contre les rigueurs des hivers qui n’avaient rien à voir avec ceux que l’on a aujourd’hui.

Je vais finir par croire pour de vrai (je le préfère, pour sa rusticité à « effectivement » qui a perdu, par suremploi, toute sa force) que la peur est mauvaise conseillère car le paragraphe précédent était mal venu, témoignant d’une culture historique nourrie de préjugés, de sectarisme, d’une connaissance mal comprise – sur fond de racisme – de l’épopée vertigineuse de ce génial conquérant des steppes que fut le grand Attila, ce méconnu, cet incompris, ce calomnié. Je m’en excuse auprès de ses héritiers.

L’esprit plus tranquille, je vais rattraper le temps perdu en faisant une énumération rapide des quelques peurs qui succédèrent à celle qui, auraient prétendu des livres d’histoire, envahit l’Europe jusqu’au 23 juin 451 où, dans les champs catalauniques, il trouva sa roche tarpéienne. Elles sont plus crédibles et on a parlé de :

-       la grande peur de la peste ;

-       la grande peur de la lèpre ;

-       la grande peur de la tuberculose (avant la découverte du rimifon et de la streptomycine) ;

-       la grande peur de la syphilis (avant la pénicilline)

-       la grande peur des virus, toujours actuelle ;

-       la grande peur du changement.

A ces peurs chroniques, on ajoutera, pour être encyclopédique, celles des cyclones, des tremblements de terre, des raz de marée, des explosions atomiques civiles et militaires, la peur de la guerre, la peur de la paix apportée par les bombardiers, la peur des terroristes, la peur des contre-terroristes, etc.

Difficile d’y échapper car, dès que tout se calme, entrent en scène les spécialistes de la peur dont le métier est de ne pas faire oublier que le monde d’hier avait eu bien des raisons d’avoir peur et qu’il faudrait être fou pour ne pas s’alarmer aujourd’hui des peurs qui vont nous assaillir demain, compte tenu des catastrophes qui ne vont pas tarder à arriver, quoi qu’on fasse.

N’y pouvant rien, prenons en bonne note, perdons-là et ciblons l’effort sur les peurs intimes où l’on est maître du jeu. Je vous invite donc à me suivre dans la cité de vos peurs. Elle n’est pas interdite et il est facile d’y prendre des repères pour dénicher les repaires où elles se tapissent, les tristes peurs qui gâchent la vie.

Nous en reparlerons une prochaine fois car il ne faut pas abuser de la peur.

__________



20/05/2013
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour